Tout d'abord, désolé du retard, puis je m'excuse de pas être très présent sur le forum. En ce moment c'est pas la joie.
Mais j'ai bientôt fini de lire un bouquin sur lequel j'étais, je commenterai vos textes après ça, j'en ai vu certains qui m'ont plu.
J'ai écrit ça, je sais pas si ça colle à ce que vous attendiez...***
« Le seul remède à l'amour est l'utilisation d'un poison plus nocif encore. »
Eve.
ID 7
Prologus
Des volutes de fumée toujours plus épais, jusqu'à n'être plus que de vulgaires grumeaux entremêlés comme les fils d'une toile d'araignée. Le jeune homme se prit dedans alors qu'il progressait dans les ténèbres.
Ces ténèbres étaient les siennes, si familières et pourtant si étrangères, un paradoxe né des obstacles qui le barricadaient de tout élément extérieur. Ces escaliers en colimaçon à n'en plus finir, ces portes de bois massif par lesquelles ils le faisaient traverser. Il avait attraper des crampes aux bras à force de pousser les lourds battants d'orme, tant et si bien qu'il n'y parvint bientôt plus.
Il demeura alors devant l'un d'eux, impuissant, et alors qu'il reprenait son souffle il s'aperçut qu'il n'était pas vierge : gravé dessus, un pommier à sept pommes s'élevait le long de sa surface polie. Il se rappela alors le goût des pommes qui avait bercé son enfance, dans ce petit jardin où il jouait si souvent, seul. Une époque lors de laquelle il avait fait de l'herbe son amie, du vent son guide, du soleil son espoir. Il épanchait alors régulièrement sa faim à l'arbre habillé des fruits rouges, promesse d'une maturité juteuse.
Ragaillardi par l'image qui s'imposait à son esprit, il reprit le chemin, poussant toujours plus de portes alors que ses jambes engloutissaient les kilomètres d'escalier qui s'enfonçaient toujours plus loin dans les ténèbres. Il parvint finalement sur une île, qui se dévoila derrière une ultime porte. Flottante dans les ténèbres, elle était envahie par le brouillard, une brume qui s'épaississait à mesure qu'il y progressait...
Comment en était-il arrivé là ? Il ne se rappelait même plus de ce qui l'avait conduit dans cet enfer de viscosité et d'odeurs peu ragoûtantes. Pourquoi fallait-il toujours que ce qui paraissait dégoûtant en ait également l'arôme d'ailleurs ? Fronçant le nez pour la énième fois du parcours, il chassa d'un ébrouement les questions existentielles qui emplissaient sa tête comme le bourdonnement incessant d'un frelon. Il tenta de se remémorer la raison de sa présence ici, la façon dont il était arrivé, de quelle façon il allait en sortir... Rien.
Une seule certitude cependant : il se trouvait actuellement dans les limbes de son propre esprit, ce qui n'était pas pour le rassurer quand il voyait leur aspect repoussant ! Était-il mentalement pourri, ou tout le monde présentait cette apparence hideuse au fond de soi ? Alors qu'il se posait toujours plus de questions, il réussit enfin à se dégager des caillots blanchâtres dans lesquels il s'était dangereusement englué. Dès lors, la jungle nauséabonde s'écarta devant lui, révélant une vue des plus surprenantes, si tant est que quelque chose ait pu encore l'étonner dans cette dimension excentrique.
Devant lui s'étalait une vaste plaine de verdure, uniquement interrompue par un pommier, géant parmi les herbes déjà bien hautes. La verdure contrastait violemment avec le brun de l'écorce, mais que ce soit l'un ou l'autre, il ne les vit pas, aveuglé par la soudaine clarté naturelle d'un soleil matinal. Quand ses yeux se furent accoutumés, la vue le rendit mélancolique. Une douce nostalgie imprégna alors son âme, meurtrie par les épines qui avaient parsemées son chemin.
Une légère brise agita soudain le branchage du pommier, faisant sursauter ses délicieux fruits d'un rouge éclatant. Plissant les yeux, il n'en vit néanmoins que sept, tous plus différents les uns que les autres. L'un d'eux attira particulièrement son regard, non pas qu'il fût spécialement beau ou appétissant. L'envie de croquer dans cette pomme le poussa à s'approcher davantage, jusqu'à ce qu'il aperçoive celle qui était accrochée à la branche voisine ; dégoûté, il recula à distance respectable de l'arbre.
Rongée par les vers et la pourriture, elle pendait lamentablement dans le vide. Les forts relents d'un cadavre en décomposition secouaient l'air, transportés jusqu'à lui, qui de fait osait à peine respirer. Effectuant encore quelques pas en arrière pour échapper à cet enfer olfactif, il jeta un œil à la progéniture du pommier : de-ci une pomme aussi grosse qu'une boule de bowling rouge ou un fruit aux formes suggestives, de-là un autre d'une brillance éblouissante, ou encore...
« Celui-ci a l'air comestible », fit-il d'une voix qui résonna étrangement dans le silence ambiant.
Il avança et s'en saisit. D'apparence normale, elle ne dégageait aucune odeur suspecte, incitant à la confiance. Quand finalement il croqua dedans, un frisson le parcourut, sur quoi il recracha le morceau.
« Acide, n'est-ce pas ? »
Surpris, il fit un bond en arrière et balaya la zone d'un regard alerte. Puis il la vit, adossée au tronc de l'arbre, allongée dans l'herbe qui les recouvrait presque intégralement, elle et sa robe bleu nuit. Occupée à tresser une mèche, la blondeur de son inépuisable chevelure en était déjà garnie, la rehaussant avec coquetterie. Le gris morose de son regard se planta dans le vert pâle du sien, puis elle le dévisagea un long moment sans retenue, telle l'enfant qu'elle était. Mais une enfant avec dans le regard une indicible immondice, les pires idées de sévices, un nid grouillant de vers qui se tortillaient dans tous les sens pour le seul plaisir d'inspirer le dégoût.
D'abord enchanté par l'apparence de la fillette, il se replia, finalement écœuré par ce qu'il sentait chez elle.
« Tu vas la finir ? » fit-elle, visiblement ignorante de ce qu'elle lui inspirait.
Il stoppa net sa lente retraite. Devant son air perdu, elle insista, l'index tendu vers le fruit qu'il tenait toujours : « la pomme, je veux dire.
- Ah... euh, tiens. »
Distrait, il la lui tendit sans se rendre compte que leurs peau allaient se toucher, ne serait-ce que par l'intermédiaire du fruit. Et si elle provoquait à distance respectable une telle appréhension chez lui, qu'en serait-il si leurs chairs s'approchaient aussi dangereusement ?
Soudain conscient d'une telle inéluctabilité, il voulut retirer sa main. Mais trop tard, les petits doigts agrippaient déjà la pomme, dégageant étonnamment une agréable chaleur. Toute anxiété désormais envolée, il garda son bras tendu comme le reflet d'un miroir déformant : elle en avait effectivement fait de même, la main toujours sur la chair écarlate.
« Tu vois ? Je ne mords pas. »
Il hocha la tête alors qu'elle riait, son léger porté à ses oreilles par la brise qui se levait une fois encore, et dont la caresse s'en faisait l'écho. Un vrai tintement de cloche, cette voix cristalline, une vraie enchanteresse celle qui l'émettait.
« Vous êtes un ange ? ne put-il s'empêcher de demander.
- Ah oui ?
- Je ne sais pas, je vous le demande.
- Si tu le penses, c'est qu'il existe pour toi une part de vérité dans ces propos. Personnellement, je ne me vois pas ainsi, mais il me plaît de te l'entendre dire. »
Un sourire candide ponctua ces sages paroles.
« Vous êtes mature pour votre âge, je trouve.
- Est-ce pour cela que tu me vouvoies ?
- Peu importe la personne, je pense que je dois le respect à mon interlocuteur.
- Et s'il ne te respecte pas ?
- Pourquoi ? Le respect ne force-t-il pas au respect ? »
Tintement de cloche.
« Quel garçon intéressant. Naïf mais intéressant. Dis-moi, tu ne penses pas que tu manques d'expérience avec les gens ? Tu ne souhaiterais pas en savoir plus sur eux ? »
Il accusa le coup. « No... non, je pense... euh... comme tout le monde. Tu ne crois pas ? »
Il embauma ses paroles d'un sourire hésitant, attendrissant son interlocutrice qui lui répondit avec bienveillance : « les gens eux-mêmes ne se comprennent les uns les autres, et tu m'as l'air d'être à des années-lumière de ce stade. »
Elle soupira, une expression attristée animant ses traits. « Écoute, si tu m'acceptes je t'aiderais à briser ce mur qui nous sépare d'autrui, je te montrerais ce que ton prochain cache au plus profond de son être, je te dévoilerais ses possibilités. Non seulement tu gagneras instantanément l'expérience qu'il te manque, mais tu atteindras en plus un stade de conscience au-delà de toute espérance.
- Le... le mur qui nous en sépare ? Comment ça ?
- Oui, quand tu parles avec quelqu'un tu n'as en vérité qu'un aperçu de sa personnalité, comme... eh bien comme un extrait de chanson.
- Et ses... « possibles » ?
- Oui, apprendre à se connaître soi-même et autrui permet de savoir ce dont l'humain est capable, ou plutôt l'individu. Oui, chacun a un talent particulier et infiniment évolutif. Les artistes sont les premiers touchés par cette conscience de soi qui s'exprime à travers leur talent. Mais il manque encore quelque chose. Cette chose, je peux te la... non, te les donner.
- Il y en a plusieurs ? »
Sur un nouveau hochement de tête, elle avança imperceptiblement. Il ne recula pas. Même s'il n'avait pas prononcé les mots, il l'avait déjà acceptée dans son cœur.
« Découvres-le par toi-même. »
Elle délia une tresse qui cascadait sur sa délicate épaule, puis se pressa contre sa poitrine.
Ils devinrent alors Adam.
***
« Aime-moi
- Je ne peux pas.
- Hais-moi.
- Je ne veux pas.
- Tue-moi.
- Qu'il en soit ainsi. »
Adam et Eve.
***
Ils se réveillèrent en pleine nuit, de moelleuses couvertures enroulées autour de leurs jambes. Du moins elles leur avaient autrefois parus moelleuses, mais elles ne l'étaient désormais plus.
Ils se levèrent, abandonnant le confort du matelas pour aller admirer la pleine lune à leur fenêtre. Elle était énorme, ronde, parsemée de petits nuages ténébreux. Elle était rouge comme une pomme... « Une pomme...
- Vous avez faim ?
- Nous croyons surtout qu'ils sont nostalgiques, hyaahaha !
- On te demande pas votre avis.
- Un peu de calme, On entend quelque chose. »
Un bruit
les avait alertés derrière eux. En se retournant,
ils découvrirent leur petit frère, le visage tout ensommeillé et les cheveux entremêlés.
« Tu parles à qui ? fit le bambin d'à peine dix ans.
- Personne.
- Mais si, dites-lui.
- Il va rien comprendre, hyaahaha !
- Taisez-vous !
- Viens contempler la Lune avec nous. »
L'esprit encore embrumé, il ne fit pas attention à l'étrange monologue qui avait lieu devant lui. Il voulait juste dormir, mais il était curieux et voulait voir la Lune avec ses frères. Il vint à côté d'eux et porta son regard dans la direction qu'ils indiquaient. « C'est beauuuu !
- N'est-ce pas ?
- Il a du goût.
- Je me demande s'il en a autant pour les filles, hyaahaha !
- Chut !
- Veux-tu voir quelque chose d'encore plus joli ? »
Le petit être secoua énergiquement la tête en signe d'assentiment. Il était maintenant parfaitement éveillé, et aussi fasciné par l'astre lumineux que par le comportement étrange de ses frères. Ces derniers le dévorèrent des yeux, leur regard inquisiteur.
Ils étaient viscéralement curieux de savoir ce qui se cachait au fond de lui, de connaître ses possibles, de savoir ce dont il était potentiellement capable, et à travers lui leurs propres perspectives d'évolution.
Cette nuit-là, ils disparurent de la circulation, emportant avec eux un sanglant tribut...
***
« L'art n'est qu'une justification à l'expression des désirs enfouis. Les dévoiler par ce moyen, c'est les renier pour ce qu'ils sont. »
Adam.