Bienvenue au magasin de jouet.

Rappel du premier message :

Une petite poupée en porcelaine attend. Elle attend les Gens. Elle s'ennuie, là, dans son magasin... Quand est ce que quelqu'un viendra la chercher? Pourtant, elle est jolie... Une petite robe rouge, des ballerines noir vernies... ses deux grands yeux vert, sa petite bouche rose et ses anglaises blondes... Un petit sourire. Elle n'est pas seule dans le magasin. Elle va aller s'amuser un peu. Qui rencontrera t elle? Un ours? Une voiture? Elle espère qu'ils seront gentils...

Pantin de Bois resta figé, même quand Barbie se recula après l'avoir délicatement embrassé sur la joue. Ses yeux sans paupières continuèrent à regarder fixement l'endroit où il était tombé quelques instants plus tôt. Sa main resta tendue, bien que la jolie blonde se soit déjà relevée. On aurait pu croire qu'il dormait debout.
Roger, roger, neurones rentrez à la base, on a besoin de vous !
Il y eut soudain comme un déclic. Il eut un sursaut gigantesque, recula précipitamment de plusieurs pas, s'emmêla dans les fils de ses jambes, chuta, se releva, puis secoua vigoureusement la tête, manquant la décrocher au passage. Pour rattraper le ridicule de sa réaction, il essaya de trouver quelque chose à dire, un mot suffirait, pourvu qu'il soit intelligent, brillant, captivant :
-Euh...

Patin de Bois fut bien obligé de sortir de sa transe quand la furie lui sauta dessus et commença à lui tirer le nez. Il tenta de lui assener un solide coup de coude derrière la tête -il se prenait également pour un expert en arts martiaux- mais elle avait déjà sauté plus loin et il faillit se casser la figure.
-Je suis pas ton frère ! réussit-il tout de même à articuler, avant de se rendre compte qu'il venait de couper la parole à Barbie.

Il y a des jours où on ne devrait pas se lever.

Tout ce petit monde retardait carrément l'expédition. A chaque intervention (Barbie faisant un bisous à Pinoc', Poupée-manga et ses remarques...) elle toussotait impatiemment.

-BON BAH MOI J'Y VAIS!!!

Sur ce, elle tourna les tallons, sa robe voltigeant autour de ses fines jambes blanche. C'est CA, la perfection d'une poupée.

Cavalier blanc remua, ouvrit un oeil et s'ébroua. Il éternua quand un gros nuage de poussière sortit des creux de sa crinière en bois, et sauta tant bien que mal entre les autres pièces de l'échiquier avant de se prendre le sabot dans la bordure du plateau de jeu et de s'écraser par terre. Il se releva en grommelant que oui bon, ce n'est pas sa faute si on ne l'a pas sorti depuis des lustres. Après tout, une aussi grande inactivité aurait engourdi n'importe qui. Puis, il se demanda d'où venait le chahut qui l'avait tiré de son sommeil. C'est alors qu'il entendit vaguement :
BON BAH MOI J'Y VAIS !!
Tiens donc, quelqu'un partirait-il à l'aventure ? Sans moi ? Le sang du fougueux destrier ne fit qu'un tour. Il ne laisserait pas passer sa chance de revivre de glorieuses épopées ! Requinqué, il sauta en L sur les carreaux du carrelage jusqu'au rayon jouets de l'orient, d'où il lui semblait que le raffut venait.

La poupée s'arrêta net, manquant de se faire écraser par celle qui la suivait. Une apparition venait de sauter à terre : un cheval, blanc, magnifique. Elle écarquilla les yeux, sa petite bouche s'arrondit dans un o de surprise.

-Rooooh... Il est trooop miignoonnn!

Bon, sur le coup, ce n'est pas ce qu'elle a dit. Elle a plutôt sortit :

-Quel charmant cheval! Quelle grâce! Bienvenue à toi, destrier. Oh, je t'en prie, accepte moi comme cavalière...

Sans attendre de réponse, elle se tourna pour observer Poupée Manga du regard. Elle était jolie, très, mais ne dépassait pas la beauté d'une poupée de porcelaine comme elle. Une poupée! Qu'elle avait l'air gentille! Ses yeux brillaient, et sa bouche semblait la supplier. La petite française lui fit un grand sourire, s'approcha, encore un peu... Et lui fit un énorme calin.

-Copiiinee!

Ce n'est pas non plus ce qu'elle dit, mais tout le monde avait compris l'idée générale, non?

-Tu viens avec moi, dis? Hein, tu viens, pas vrai? On montera le dada, Barbie nous suivra avec Pinoc', la voiture bleue et la panthère feront les éclaireurs. Je n'oublie personne? A tous les coups, je vais oublier quelqu'un. Dis, Pam, tu vois autre chose?

Oui. Pam, c'est bien Poupée Manga.

Cavalier Blanc renâcla. "Dada" ? Lui, Cavalier Blanc de Blancheneige de Hautemaison, soixantième du nom, lauréat de la crinière d'or, grand prix d'excellence des bonnes manières, s'était fait traité de "Dada" par une poupée de porcelaine surexcitée.
Heureusement que la poupée n'avait pas dit mignon, sinon il aurait fait un infarctus, c'est sûr.
Mais bon elle avait aussi dit qu'il était plein de grâce. D'humeur magnanime, le noble destrier encore couvert de poussière s'avança vers les deux poupées et leur présenta son dos, n'ayant absolument pas conscience que sa selle était magnifiquement ornée d'une superbe toile d'araignée.

Poupée sourit, et caressa doucement l'encolure du cheval. Après avoir enlevé une toile d'araignée, elle se mit en selle.

C'est ce moment que choisit un humain, un enfant humain, pour pénétrer dans le magasin : c'etait le prototype du cauchemar des jouets. Dans les quatre ans, baveux, tenant une toupie cassée (paix à son âme!), il bavait, criait, et balançait tous ce qui se trouvait à sa porté. Sa mère, enveloppée, les cheveux gras, le laissait faire, lui lançait à peine un regard.Un sac à main pendait à son bras, et elle tenait une cigarette à la main.
Le vieux monsieur qui tenait la caisse la pria de ne point fumer ici ; elle sortit, et le bonhomme replongea dans son journal. L'enfant, seul, un sourire sadique aux lèvres, se tourna, lentement, très, très lentement, vers les jouets.

Cavalier Blanc frissonna de bien-être sous la douce main de la poupée. Il avait beau être un fière et noble destrier, il n'en restait pas moins un cheval sensible comme aux caresses sur l'encolure, comme les autres. Il la sentie à peine monter sur son dos tellement elle était légère. Enfin une cavalière agréable ! Ca changeait de tous ces chevaliers en armure. Il allait se tourner vers Poupée Manga quand ses oreilles sensibles perçurent le boucan d'un mioche insupportable en approche. Il ne pouvait pas abandonner ses nouveaux amis, c'était totalement contre ses principes de bonne famille. Mais il n'était peut-être pas trop tard, il poussa un grand hennissement d'avertissement, et les jouets allèrent se cacher à sa suite. C'était moins une. Le môme arriva juste après qu'ils se soient cachés derrière une rangée de casses-têtes. Son sourire sadique s'envola quand il constata que non, il n'y avait pas de jouets par terre dans le rayon. Aussi commença-t'il à explorer avec attention les étagères, balançant de ci et de là quelques figurines de pokémon.

Mais, très vite, le môme approcha des jouets, cachés derrière une grosse figurine en bois représentant une caricature du président de la République. Il les remarqua, sourit encore plus, et assena un coup magistral au pauvre président pour le barrer de son chemin : il tendit les doigts et attrapa... un avion à réaction. Tout le monde souffla, et fonca vers la sortie : la porte était restée entrouverte.

Les jouets se signèrent après cet épisode tragique, et leur peur fut redoublée. Ensemble, ils s'éclipsèrent dans la rue bruyante et dangereuse de la vie des humains, peuplées d'énergumènes tous plus stupides les une que les autres.

(R.I.P)

Cavalier blanc, choqué par tant de violence juste après son réveil quelque peu... mouvementé, oui c'est cela même, ce dit que, palsambleu, ce n'était pas des manières d'accueillir son retour. Vexé à mort et blessé dans son orguilleux honneur, il voulut faire demi tour pour faire passer à cette marmaille mal éduquée l'envie de s'attaquer à lui (et ses nouveaux amis, certes). Mais quand il vit que le môme avait appelé ses parents en renfort, il fut bien contraint de battre en retraite. L'encolure haute malgré tout, il suivit ses compagnons

Contre toute attente, poupée se mit à pleurer.

-Ooooh, destrier, qu'allons nous faire? Maintenant que nous sommes sortis du magasin... Nous sommes perdu!

Elle oublia son amour propre, et, par la même occasion, que c'était elle, au départ, qui voulait partir découvrir le monde.

Cavalier blanc n'était pas un noble pour rien. Son sang chevaleresque ne fit qu'un tour dans ses veines fougueuses. Ciel ! Une gente et belle damoiselle en détresse ! Il oublia aussitôt le crime de lèse-noblesse qui venait d'être commis. Il n'était pas doté de parole, mais il souffla doucement dans le cou de la poupée avant de frotter ses naseaux contre sa joue, essayant comme il pouvait de lui remonter le moral.